Si tu suis mon regard
Je suis tombée sur ce dessin dans un cahier de ma fille. Tout dans ce dessin me bouleverse.
C’est étrange cette façon qui nous est propre d’être ému par certaines choses, anodines pour les autres.
Le regard de ce garçon me touche particulièrement. Il me fait penser au frère de Lia, le personnage de mon roman « Quand mon frère reviendra ». Ma fille n’a pas lu mon livre, elle ne peut donc s’en être inspirée.
Le garçon du desssin et le garçon du livre ne sont pas des frères jumeaux : ils ont juste un air de famille, une même façon d’être « ici » et « ailleurs ».
Alors que je regarde l'un et que je songe à l'autre, je repense à l'interview que j'ai entendue mercredi, entre 5 et 6 heures du matin, à la radio. Anna Gavalda parlait notamment des personnages qu'elle inventait et qui prenaient une place tous les jours dans son existence. Au quotidien, Anna Gavalda pense à eux. Ils sont parfois si envahissants qu'elle se dit qu'elle pourrait les faire revenir dans une autre histoire... et qu'elle imagine même qu'un jour, après sa mort, elle les rencontrera au paradis.
Anna Gavalda a une jolie voix, vive, fraîche. Elle jette les mots brusquement, mais jamais pour mettre mal à l'aise, parce qu'elle est pressée peut-être. Elle parle de ses textes, de ses livres avec facilité, comme si justement ses personnages lui donnaient un coup de main, lui soufflaient à l'oreille.
J'aime bien écouter Anna Gavalda. Cependant, la voix qui insiste en ce moment dans ma sphère personnelle n'est pas la sienne, mais celle de Benjamin Biolay.
Son dernier album, un double-album, La Superbe, est incroyable, sublime.
Les textes des 22 chansons (+ une) sont tenus, charpentés, puissants.
Tout ça me tourmente
Tout ça me tourmente un peu
La douleur m'éventre
La douleur m'éventre
Mais je ris dès que je peux
Et les mélodies, les accords, les orchestrations sont à la hauteur. A moins que ce ne soit l'inverse.
Il n'y a rien à jeter. Tout est beau, remuant, renversant. Le talent de Benjamin Biolay est troublant.
Si tu suis mon regard tu verras des doutes
Des gens qui partent tartares, au bord de la route
Tu verras le soleil qui recule d'un pas
qui devient vert bouteille et comment c'est chez moi
Les chansons de Benjamin Biolay me donnent envie d'écrire...
ou plus exactement me plongent dans un drôle d'état.
Les personnages qui habitent à l'intérieur de moi me murmurent qu'ils ont hâte que je les sorte de leur boîte.