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Zou ! Le blog d'isabelle Collombat
12 avril 2010

Voyage en Aveyron

carte_aveyronJe suis de retour de Villefranche-de-RouergueVillefranche-de-Rouergue où je viens de passer quelques belles journées revigorantes. J'étais invitée à venir parler de mon roman "Quand mon frère reviendra" à des classes de 4èmeIMG_1058 et de 3ème de collège et à participer à la fête du livre.

Une première pour moi. Mon livre est paru il y a un an, mais je n'avais pas eu l'occasion d'être interpellée par des élèves sur ce texte-là. D'emblée, je me doute que le texte n'est pas facile, ni dans son écriture, ni dans sa construction. Pour ceux qui n'aiment pas lire, il faut sans doute s'accrocher.

Aller dans les classes, c'est, à la fois, une épreuve et une expérience précieuse. Les premières secondes, je songe que je me jette dans la gueule du loup. J'ai un peu peur. Là, je m'expose au regard, au jugement, aux critiques, à l'indifférence, à la curiosité aussi de ces jeunes et de leurs enseignants. Souvent, je les sens souvent aussi timides que moi. Heureusement, parfois très vite, la pudeur, la retenue s'effacent et on se régale ensemble, surtout quand ma venue a été bien préparée en cours. A mon sens, préparer la venue d'un auteur, c'est donner des armes aux élèves pour qu'ils puissent s'exprimer le jour J, exposer leurs arguments, oser dire qu'ils n'ont pas aimer et pourquoi, ou revendiquer au contraire leur intérêt pour un thème, un récit, des personnages.

Malgré tout, c'est toujours une question de feeling. Le plus souvent, un dialogue s'installe et il se passe quelque chose entre nous. De temps en temps, c'est le désert. Personnellement, c'est une situation à laquelle je ne me résous pas. Alors, je résiste le plus possible pour sauver la rencontre. A la fin, je suis contente quand je pense ne pas être venue pour rien.

Jeudi 8 avril, un peu avant 8H00. La route monte, s'élève dans le brouillard et la fraîcheur. J'écoute Amélie dans la voiture. Elle me dit qu'elle est pionne au collège de Rignac, à une trentaine de kilomètres de Villefranche-de-RouergueVillefranche-de-Rouergue. Amélie s'est pris de passion pour la lecture sur le tard, en découvrant avec stupéfaction qu'à Rignac, les élèves se précipitaient au CDI pour emprunter des livres. J'aime bien cette idée des choses qu'on apprend quand on est déjà grand, adulte, mais encore capable de changer ses habitudes. A la radio, en fond sonore, il n'y a qu'une seule chaîne possible, Totem, la radio de l'Aveyron.

8H30. Deux profs, la documentaliste et une salle pleine d'élèves, des filles et trois garçons. Je suis du genre très matinal, mais il est quand même encore un peu tôt pour parler livre, roman, histoire, personnages. Pourtant, les élèves se lancent courageusement et me posent des questions. Ils ignorent que je parle de mon roman pour la première fois. Je n'ai pas encore rôdé mon discours, expérimenté les phrases, les mots. J'avance parfois à tâtons. Je trouve très difficile de parler de l'histoire que j'ai écrite, d'analyser ce que j'ai construit, souvent dans la douleur, lentement. Mais l'heure file... et, à la fin, le stock des questions n'a pas été épuisé, mais je préfère ça, les laisser frustrés.

CDI_rignacAttente dans le CDI. Des élèves doivent choisir un livre d'aventure à lire pendant les vacances.

Dans le hall, je regarde les plantations du club "potager bio". jardin_rignacQuand l'école respire la vie, c'est une jolie sensation.

baskets_rignac

11 heures, retour à Villefranche-de-RouergueVillefranche-de-Rouergue, collège Carco. Sur la façade, quelques mots de l'écrivain :

"Ecrire des vers à 20 ans, c'est avoir 20 ans. En écrire à 40, c'est être poète".coll_ge_carco

carcoJ'arrive un peu en retard. Les élèves ont attendu et voilà qu'ils hésitent à poser leurs premières questions. Mes personnages les déboussolent, d'autres s'étonnent de la fin, d'autres encore ne comprennent pas la construction du livre. J'explique, ils m'écoutent, restent attentifs, concentrés. La prof les aide un peu à retrouver le fil de leur pensée. Au fond de la salle, un garçon semble dormir. C'est sa façon d'écouter ou de s'échapper, c'est ce que je lui dis. On a tous en nous, un jour ou l'autre, de ne plus être là, de s'en aller, de disparaître.

15h00. La Fouillade, c'est l'annexe du collège Carco à quelques kilomètres de Villefranche. Minuscule collège où tout est petit sauf les élèves qui sont comme partout ailleurs, grands, ados, vivants, rieurs. 4èmeA. Une même question revient :

- Madame, est-ce que vous allez faire une suite ?

Je les déçois un peu peut-être en leur expliquant que je n'y songe pas, que, quand une histoire est finie, je pense déjà à une autre. Je n'exclue rien néanmoins. Rien n'est définitif. Tout dépendra des rencontres que je ferai ou pas. Je leur raconte que les romans naissent des rencontres que je fais, de ce qui insiste dans ma tête, qui occupe mes esprits, mes idées, toute ma vie.

17h00. La Fouillade encore, je viens de passer une heure avec la 3èmeA. La prof n'en revient pas des questions de ses élèves, notamment sur l'écriture, sur le texte. Et, moi, je suis contente d'avoir partagé ce moment avec eux. Quand je rentre dans ma chambre, je suis exténuée, mais rassurée. Je ne suis pas venue ici, en Aveyron, pour rien. C'est ce qui motive, être utile, en donnant de moi-même, en étant le plus sincère possible et le moins formatée. Je crois que c'est ce que nous devons aux jeunes, d'être le plus vrais possibles. Je le leur répète. Ils ne sont pas obligés d'aimer mon roman. La seule chose qui m'importe, c'est qu'ils se posent des questions, qu'ils s'interrogent sur le monde qui les entoure, sur les autres.

Vendredi 9 avril, Pont-de-SalarsPont-de-Salars. Il faut une heure de route depuis Villefranche de Rouergue. L'Aveyron est un département sublime. Malheureusement, il faut le quitter pour trouver du travail, ailleurs, à Toulouse, Montpellier, Clermont-FerrandClermont-Ferrand.

Matinée étonnante. Là, avec la documentaliste et la prof de français, je rencontre des élèves attentifs, curieux, intéressés. Je vois dans leur façon de tenir leurs corps ce qui les fait sursauter, ce qui occupe leurs pensées. Le ton de notre échange est parfois grave. Je désamorce parfois ce qui pourrait être trop pesant pour eux. Penser ne doit pas nous empêcher de rire et de profiter de l'existence. La vie belle et joyeuse malgré ce qui nous blesse. Et le temps passe vite avec eux.

cransacAprès-midi dans le bassin minier, pas très loin de DecazevilleDecazeville, à Cransac. Là, nous ne sommes plus qu'à quelques minutes des vacances pour la classe de 4ème que je rencontre. Pas très facile de se concentrer quand le soleil brille enfin après un hiver long et rigoureux. Pourtant, des choses sont dites, des questions posées et là encore, le dialogue entre nous n'a pas été inutile.

pont_villefrancheSamedi, Villefranche de Rouergue. Les séances de signature ne sont pas mes moments préférés. J'appréhende beaucoup. Sauf que je ne devrais pas. Je rencontre des collégiennes croisées hier et avant-hier venues acheter mes autres livres. Une dame se précipite vers moi en me montrant mon roman Dans la peau des arbres : "C'est celui-là le livre qui fait beaucoup pleurer à la fin ?" Je reste perplexe. Heureusement, une de ses copines arrive en hochant la tête : "Qu'est-ce que j'ai chialé !" Je ris.

Quand ils nous sortent de nos monologues, écrire ou lire des livres, qu'est-ce que c'est bien !

Merci à toute l'équipe de Livre-Franche, aux profs, à leurs élèves, à mes chauffeurs et à tous les bénévoles

oiseaux

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Commentaires
D
Bonjour Isabelle,<br /> <br /> C'est très agréable d'avoir un retour écrit des auteurs... et généreux, en plus ! <br /> Merci beaucoup !<br /> <br /> C'est que "Dans la peau des arbres", il y a tellement de bribes qui semblent arrachées à ma mémoire... des émotions que je croyais digérées et que j'ai retrouvées, comme les pièces de mon puzzle redistribuées dans un autre tableau... Une histoire d'identification, quoi ! Alors, oui, j'ai chialé comme une madeleine un matin d'avril et quand j'ai rendu le livre à la bibliothèque, j'ai dit la même chose "Ah la la ! J'ai pleuré, mais pleuré !". <br /> Et c'est comme ça que le livre passe de main en main et que nous constatons au passage les sensibilités [féminines]. Et on court après, semble-t-il...<br /> <br /> Bonne continuation, Isabelle. Et encore merci beaucoup pour ce témoignage.
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