P comme Poètes
J'ai été très gâtée cette première semaine de mes quarante ans. J'ai reçu trois livres dont deux de poésie.
Quel bonheur que de recevoir un livre de poèmes ! Je crois qu'il n'y a pas plus beau cadeau. Enfin, j'exagère un peu. Un cadeau, quand on comprend en le recevant que celui qui vous l'offre a saisi ce que vous êtes, en partie, à moitié, tout entier, c'est formidable, bouleversant.
Comme je l'ai déjà écrit, je me sens comme une néophyte avec la poésie, je l'aborde avec timidité, respect, prudence, modestie.
Mon premier cadeau-livre n'est pas qu'un reccueil de poèmes. Il comprend des textes de Tanikawa Shuntarô et des dessins de Paul Klee.
Tanikawa Shuntarô est Japonais. C'est l'un des plus grands poètes d'aujourd'hui, un des plus populaires au Japon. Il s'est inspiré des anges qu'a dessiné Paul Klee à la fin de sa vie et a écrit une vingtaine de poèmes publiés dans une édition bilingue. La maison d'édition, Abstème et Bobance, a imprimé 1000 exemplaires sur papier brut de centaure 150 g. Je considère mon exemplaire comme un trésor, un objet rare.
En ouvrant le reccueil, je découvre ces vers :
"Un cadeau d'un ange qu'est-ce que ça peut-être ?
Et ce présent comment le reconnaître ?
Ce n'est pas une fleur ce n'est pas une étoile
pas un gâteau non plus pas un coeur souriant
Mais sans doute ce don
qu'il nous fait de nous-mêmes..."
Mon deuxième livre-cadeau est signé Stéphane Hessel, grand témoin de notre temps, né à Berlin en 1917, engagé dans la France libre puis déporté, diplomate. Stéphane Hessel a eu plusieurs vies. Je l'ai découvert quand il a accompagné, supporté, défendu le combat des sans-papiers de l'église Saint-Bernard. Stéphane Hessel n'est pas un poète, mais un grand amateur de poésie. Toute sa vie, il a 93 ans aujourd'hui, il a lu, goûté, appris des poèmes. Il en a fait un livre "O ma mémoire, la poésie ma nécessité" dans lequel il veut partager 88 poèmes qui l'ont accompagné. Il raconte pourquoi chacun de ses 88 poèmes a joué un rôle important dans sa vie. C'est très beau, évidemment.
Enfin, le troisième livre est également un livre de Stéphane Hessel. Très mince et très puissant. Le genre d'écrit qu'il faudrait avoir en permanence non seulement sur sa table de nuit, mais aussi sur la porte de son frigo, sur le miroir de sa salle-de-bain, etc.
Il est intitulé INDIGNEZ-VOUS. Stéphane Hessel rappelle que le motif de la Résistance a été l'indignation... et dit pourquoi aujourd'hui il y a de quoi être un Homme indigné.
En 2004, à l'occasion du 60ème anniversaire du Conseil national de la Résistance, d'anciens résistants dont Stéphane Hessel avaient lancé un appel " à une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation de masse, le mépris des plus faibles et de la culture, l'amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous.
A tous ceux et celles qui feront le XXIème siècle, nous disons avec notre affection :
CREER, C'EST RESISTER.
RESISTER, C'EST CREER."
Et puisqu'il est question de poésie et d'engagement, je veux citer ces vers d'Aimé Césaire sur lesquels je suis tombée hier en travaillant sur un projet qui me tient très à coeur parce qu'il concerne le Rwanda et les jeunes du Rwanda :
« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est pas un spectacle,car une mer de douleurs n'est pas un proscenium, car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse... ».