Le rire de Christian Bobin

Christian Bobin n'habite pas très loin de chez moi, un peu plus au Nord, de l'autre côté de cette frontière invisible qui délimite la région Rhône-Alpes et la Bourgogne, dans la campagne du Creusot.

Mais hier soir, aux abords du pont que j'aime tant, tout métal au-dessus de la Saône, je l'ai senti tout proche grâce à la magie de la radio.

J'avais déjà lu Christian Bobin, mais je n'avais jamais entendu sa voix, et c'est son rire qui m'a étonnée. Je ne m'attendais pas à ce jaillissement de lui-même, un abandon.

J'avoue que j'ai trouvé le moment rare. Un paysage dont je ne me lasse pas, le pont mécano, le ciel immense, les arbres fragiles et ce rire émerveillé et triste.

Je retiens en substance quelques paroles de Christian Bobin :

"J'aime beaucoup les gens qui vont vers leur coeur".

"Il faut ramener la vie à sa base, à ses nécessités premières : de faim, de soif, de poésie et d'attention.

Il est possible que le monde moderne soit comme une sorte d'entreprise anonyme de destruction de nos forces vitales sous prétexte de les exalter, de destruction de la capacité qu'on est d'être attentif, d'être lent, d'être amoureux, d'être rêveur, de faire des gestes qu'on ne comprend pas, gratuits... que tout le monde moderne soit une machine de guerre impavide, impassible.

Par exemple, les livres, l'écriture, la beauté, la poésie, certaines musiques peuvent nous ramener à nous mêmes, nous donnent des forces pour lutter contre cette sorte d'éparpillement où nous nous trouvons avec une âme déchiquetée à tous les bouts de la planète lancée aux chiens.

La méditation, la beauté, la simplicité, le resserrement sur quelques phrases, sur un visage, sur un lien, sur la vie ordinaire, tout ça, c'est quelque chose qui nous donne des forces pour résister.

Le grand mot, c'est Résister."