La Floride, le mépris de l'enfance

Un petit garçon jouflu qui se tortille sur sa chaise. Comme tous les enfants qui s'ennuient, qui ne trouvent pas leur place, qui ne savent pas vraiment ce que l'on attend d'eux.

Une femme policier qui lui susurre : "Dis-moi la vérité, mon coeur?"

Et le petit garçon qui demande : "Il dort encore mon frère ?"

Mon coeur, mon coeur. La vérité, mon coeur. Les mots résonnent bizarrement et se cognent contre les neuf mètres carrés de la pièce dans laquelle la femme à queue de cheval laisse sa place à un gardien de la paix qui annonce au petit garçon qu'il doit le menotter.

Douze ans, c'est son âge au garçon qui ne peut-être pas si petit, mais qu'on ne peut encore appeler "ado". Un enfant, c'est de cela qu'il a l'air, un enfant fatigué et seul au monde, accusé d'homicide, accusé d'avoir tué son frère de deux ans. La justice de Floride lui reproche d'avoir, un matin, prémédité la mort du petit dernier dans l'appartement où sa mère lui avait laissé le soin, à lui l'aîné, de veiller sur toute la fratrie. 

Le petit garçon joufflu réapparaît plus tard dans une combinaison orange. Les juges lui disent "vous" et l'appellent "monsieur". Le tribunal est un tribunal pour adultes. Christian, puisque c'est son prénom, a perdu sa qualité de mineur, a estimé la procureur puisqu'il a commis un crime d'adulte. La procureur du fard mauve sur les paupières, un peu trop, ne cille pas quand elle parle. Tant de certitudes pour expliquer qu'elle agit ainsi par respect pour la victime de deux ans et pour protéger la société.

Cristian a reconnu les faits. Il a poussé son petit frère contre une armoire et l'a mortellement blessé.

Il a écopé d'une peine de prison à perpétuité.

"Dis-moi, la vérité, mon coeur ? La prison à vie, ça te dit ?"

Drôle d'Etat que la Floride. Paradis pour Mickey, enfer pour enfants.

Cette histoire vraie, deux journalistes Cyril Denvers et Anthony Headley, la raconte dans un documentaire diffusé mardi sur France 5.

Perpétuité pour les enfants d'Amérique - extrait

Les Etats-Unis n'ont à ce jour toujours pas ratifié la Convention internationale des Droits de l'enfant car elle interdit toute condamnation à la peine de mort à la suite d'un crime commis par un enfant de moins de 18 ans. 

La justice des mineurs, c'est notamment un des sujets abordés dans mon livre "Janusz Korczak: "non au mépris de l'enfance". Le vieux pédiatre de Varsovie qu'était Korczak estimait que seule la loi et donc la justice pouvaient protéger les enfants de la toute puissance des adultes.