Jour 8, Jour blanc
Alors, voilà c'est fini. Le Teil, 8ème jour de la Résidence Résistance collective que je partage avec trois autres auteurs de la collection Ceux qui ont dit Non (Actes Sud Junior). Pendant huit jours, j'ai participé à différentes activités dans cette commune du bout de l'Ardèche, à côté de Montélimar : lecture dans un centre d'hébergement d'urgence, ateliers d'écriture, rencontre avec d'élèves de lycée professionnel puis des résidents d'une maison de retraite.
Merci à tous ceux qui m'onte reçue, aidée, écoutée, rencontrée, parlé, étonnée, avec qui j'ai discuté, rigolé, plaisanté, écrit, mangé.
Ils s'appellent Marie-Agnès, Bruno, Bernard, Julie, Tana, Mina, Arnaud, Mehmet, Audrey, Fares, Morgane, Alisson, Bernadette, Alicia, Françoise, Hinda, Roland, Isabelle, Isabelle, Rachel, Yvonne, Simone, Ginette, Charles, Mauricette, Joëlle, Gaëlle, Nathalie, Nadine, Bernard, Sophie, Anita, Laurence, Anne-Claire, Renée, Alice, Christiane, Jacqueline et d'autres encore.
Chaque jour sur ce blog devenu carnet de résidence est une couleur. Après le rouge, le bleu, le vert, le jaune, rose, le mauve et l'orange, ce samedi est un jour blanc. Blanc fleurs reçues en cadeau. Blanc Picodon trop vite dégustée. Blanc nougats conservés pour les enfants. Blanc assiette au restaurant avec Françoise la mascotte de mon journal de bord qui me sort toute la vaisselle qu'elle peut. Le blanc, c'est pas facile quand même. Le blanc, c'est éblouissant, salissant, éreintant et immense.
Blanc poème. Celui de Tana, 9 ans, qui vient me l'apporter en cadeau. Une fabrication maison toute fraîche. Ce qui est bien avec la poésie, c'est qu'elle autorise les fautes d'orthographe. Parfois, ça peut faire joli.
Aujourd'hui, samedi blanc, Rachel Hausfater est arrivée. Je lui passe le relais. Elle me succède pendant une semaine au Teil. Ensuite, ce sera au tour de Maria Poblete.
Aujourd'hui, j'avais donc carte blanche pour proposer une rencontre. J'ai donc invité Fabienne et Eric Burgeat, la fille et le gendre de Robert Boulin, ministre du travail de Raymond retrouvé mort en octobre 1979. La Justice aussi a entériné la version du suicide. Mais quel citoyen de ce pays peut encore y croire ? Combien de temps encore sa famille va t-elle devoir attendre ? Quatre générations meurtries, endolories, malmenées, dénigrées, méprisées par des gens qui, au pouvoir, les regarde de haut. Et un couple pourtant lumineux et debout.
Il faudrait être sourd et aveugle pour ne pas comprendre que Robert Boulin, ce résistant devenu ministre, n'a pas eu envie de mourir, il est mort au combat, c'est tout, tentant de résister à ceux qui considéraient, considèrent que s'engager en politique, c'est défendre des intérêts particuliers, leurs nombrils minuscules et leurs portefeuilles extensibles. Ceux-ci ont tout faux. La politique, c'est vouloir vivre ensemble.
Il faudrait aussi manquer de lucidité, souligne Fabienne Burgeat-Boulin devant le public du musée de la Résistance et de la Déportation du Teil venu l'écouter, elle et son mari Eric. La salle est pleine de gens, mais peu de jeunes dans l'assemblée. Où sont les parents et leurs enfants ? Qu'ont-ils de mieux à faire un samedi après-midi à 15 heures que de les écouter tous les deux ? Où sont les profs ? Ceux-là qui vont rabacher leurs chapitres sur la guerre 39-45 et la crise économique de 1974, De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand et Chirac. L'histoire parfois est très vivante. Comme cet après-midi.
L'histoire n'est rien sans la curiosité des générations d'après.
Résister, remarque Eric, c’est une responsabilité qui se prend. Pendant la guerre en France, contrairement à d’autres mouvements ailleurs, la résistance n’a obligé personne à la rejoindre, pas de chantage, pas d’enrôlement, pas de violence. Venait qui le souhaitait. C’est la même chose aujourd’hui. Résiste qui veut. Eric cite Germaine Tillon et Stéphane Hessel. Leurs mots comme des bouées sur la mer méditerranée et sur tous les sommets enneigés.