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Zou ! Le blog d'isabelle Collombat
12 juin 2021

J'aurais aimé rester toujours arrimée aux yeux des enfants

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Partir, c‘est parfois douloureux. Hôtel, inconnus. Tu te déplaces et tu as l'impression d'avoir des pierres dans ton sac. Ton corps se coince. Tu souris pour cacher l'angoisse. La plupart des gens n'y voient que du feu. Escaliers, couloirs. Envie de prendre tout à rebours. Rembobiner le fil. Mais tu es là. Pas question de te défiler. Tu voudrais tant qu'on t'attende et tu n'es pas certaine que ton hôte t'ait vraiment choisie. Peut-être qu'elle a accepté ta venue pour passer le temps. Cela arrive.

Les élèves entrent. Des ados, des grands, ils te dépassent tous. Certains, tu te dis, ont envie de sécher. Toi aussi, tu aurais presqu'envie de te barrer. Il fait si beau dehors. On n'arrête pas de les bassiner avec l'écologie. Autant profiter du présent. S'asseoir au bord du lac. Nager si l'eau n'est pas trop froide.

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Ce matin, un garçon t'a demandé : est-ce que vous avez peur de la catastrophe climatique ? Ce n'est pas la première fois. Mais à chaque fois, tu te demandes si tu vas pouvoir lui répondre, un peu démunie, comme tu l'étais quand tu passais des examens. Tu essaies de ne pas bafouiller parce que tu sens son angoisse à lui. Tu es une adulte et ta responsabilité, c'est de lui donner de la force, pas d'ajouter ton inquiétude à la sienne. Alors, tu te lances. Il écoute. Ils écoutent tous. Tu te souviendras longtemps de son regard posé sur toi et de la façon dont il a incliné la tête après ta réponse. 

Cet après-midi au collège Geneviève Antonioz de Gaulle, rebelote. Une cour de récréation, un CDI. Une prof de français, une prof documentaliste. Sauf que la lumière resplendit partout. Et surtout dans les yeux des gens. Et vient l’éblouissement que tu n'attendais pas. Lumineuse douceur. Tu voudrais la retenir avec les doigts, accrochée, cramponnée à la beauté des choses, des êtres, des lieux.

Parfois, tu te demandes à quoi ça sert d'aller parler de tes livres. Est-ce que tout ça n'est pas faux ? Est-ce que tout ça n'est pas vain ?

Tu le sais pourtant pertinement. Certaines rencontres restent gravées. Elles sont dans certains de tes livres. Comme "La fille des manifs" (Syros).

Et puis il y a ces profs, ces élèves. Leurs regards, leurs questions, leurs façon d'écouter.

Jeudi, j'aurais aimé rester toujours arrimée aux yeux des enfants, plus vraiment des enfants, qui m’écoutaient, qui me parlaient de mon livre « la fille des manifs » et de tous les livres.

C’était trop court. Et miraculeux. 

À la fin, on se regardait. Il fallait se quitter. Il fallait se saluer. Ça avait sonné. Mais personne ne bougeait.

Je les ai remerciés. 

Pourquoi ne leur ai-je pas dit que « La fille des manifs » était parmi eux, longeant le lac, observant les montagnes ?

 

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