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Zou ! Le blog d'isabelle Collombat
16 novembre 2009

Mort d'un gardien de but

C'est quoi la France ?

Je rentre d'Allemagne avec cette question. Comme à chaque fois que je participe à une réunion de travail de la maison d'édition allemande pour laquelle je travaille. Cette maison d'édition allemande publie des manuels scolaires et des livres destinés aux Allemands qui apprennent le français et je collabore à leur conception.

Qu'est-ce que nous voulons montrer, raconter, dire de la France ? Et cette semaine, évidemment, la question prend une autre dimension parce qu'en France, le gouvernement martèle deux mots "identité nationale" et que, forcément, je ne peux pas ne pas y penser. Sauf que moi, n'en déplaise à nos dirigeants, ces deux mots me glacent, surtout qu'on les avance en même temps que d'autres termes comme "immigration", "sans-papiers", "clandestins".

Vue d'Allemagne, la France est une société multiculturelle, ouverte sur le monde, riche de toutes ses influences, forte aussi de tous ces gens venus d'ailleurs. Les étrangers comme boucs émissaires, c'est du déjà vu, du réchauffé qu'on nous refile pour nous éblouir, nous aveugler, nous éloigner de ce qui fait vraiment mal.

Cette semaine, en Allemagne, ce qui fait mal, c'est la mort de Robert Enke.

Robert Enke était gardien de but du club d'Hanovre et de l'équipe de foot d'Allemagne. Il s'est jeté sous un train, mardi. Robert Enke avait 32 ans. Né citoyen de RDA, il s'est suicidé au lendemain du 20e anniversaire de la chute du Mur de Berlin. Évidemment, les deux événements n'ont rien à voir. Pourtant, cette fin tragique d'un gardien de but ébranle la société allemande et pas seulement les supporters de foot.

Robert Enke était un héros et il ne le savait pas. Sa vie n'a pas été un long fleuve tranquille. Il a dû souvent s'accrocher dans sa carrière, secoué par des moments particulièrement difficiles. Il y a surtout eu la mort de sa petite fille à l'âge de 2 ans à cause d'un problème cardiaque.

Robert Enke souffrait depuis six ans de dépression. Sa femme l'a confié courageusement aux caméras au lendemain du drame. "On pensait que l'amour vaincrait de tous nos problèmes, mais ça n'a pas suffi", a-t-elle ajouté. Son père, psychothérapeute, a expliqué, plus tard, que c'est la peur qui a tout déclenché. Peur de ne pas être à la hauteur, peur de perdre son travail. L'hebdomadaire "Die Zeit", rapporte une interview de Robert Enke en 2004 dans laquelle le gardien de but déclarait : "il ne faut croire qu'un footballeur professionnel a moins peur du chômage qu'un électricien".

"Die Depression ist eine Krankeit unserer GesellschaftsformGesellschaftsform", écrit "Die Zeit" sur son site Internet. La dépression est une maladie de notre société, de notre façon de vivre. En Allemagne, 4 à 5 millions de personnes seraient victimes de dépression. Pas étonnant que la mort de Robert Enke bouleverse toute l'Allemagne. Impossible de ne pas s'identifier à Robert Enke, de ne pas se sentir concerné, en France aussi. Parce que, comme Robert Enke, la peur, nous la connaissons ici aussi. Elle est une gangrène qui nous bouffe, un monstre dévorant. IMG_0328A cause d'elle, nous pouvons tous basculer et nous le sentons au fond de nous. Nos dirigeants politiques l'ont compris depuis toujours, qui grattent là où nous avons peur pour se maintenir au pouvoir, pour justifier leurs décisions. Nos dirigeants économiques aussi, je parle de ceux qui ont effectivement le pouvoir et qui exercent des pressions inouïes sur nos sociétés, ils attisent nos peurs et se jouent de nous pour faire la loi.

La peur, c'est toujours ce qui conduit au pire. L'Allemagne le sait bien.

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