Et ils eurent beaucoup d'enfants...
Mardi 15 février, aujourd'hui, j'avais rendez-vous à Marseille, au collège de l'Estaque. A lui seul, pour moi, ce nom est une invitation au voyage. L'Estaque, son port, ses pêcheurs, village-quartier entre mer et colline du nord-ouest de Marseille la tentaculaire. Je pense à Guédiguian, le réalisateur de nombreux films dont Le voyage en Arménie que j'aime tant.
Au collège de l'Estaque, les élèves de troisième que je rencontre sont contents de me recevoir, je le sens tout suite. La lecture n'est pourtant pas leur fort. Ce n'est pas qu'ils ne savent pas lire, mais ils n'ont pas spécialement le goût des livres. C'est justement pour cette raison qu'Aude, leur prof de français, et Lucie, la documentaliste, les ont inscrits au Prix des Incorruptibles. Elles ont bloqué cinq jours pour leur lire mon livre « Quand mon frère reviendra » à haute voix.
Visiblement, l'histoire leur a plu. Mais quand ils sont arrivés à la fin, ils ont tiqué. Pourquoi cette fin ? Ils n 'ont pas cessé de me poser la question sous une forme ou sous une autre. Il faut leur expliquer pourquoi les "happy end" ne sont pas forcément ma spécialité, même si je ne refuse pas par principe l'idée d'une fin 100% heureuse, pourquoi j'aime que la fin ne soit pas cadenassée. Bref, je de leur faire comprendre mes intentions à défaut de les convaincre.
Un garçon reconnaît :
- On aime bien quand à la fin d'une histoire, tout le monde est content autour d'un gâteau au chocolat, lance-t-il en riant. Dans votre livre, ça ne se passe pas comme ça.
Une autre ajoute :
- Oui, votre livre ne finit ni bien, ni mal !
Je réfléchis à haute voix :
- mon livre aurait très bien pu finir autrement, c'est vrai. Mais j'ai choisi cette fin car tout est encore possible à la fin. Apparemment, on recommence à zéro, mais, en réalité, ni Lia ni Phil ne sont les mêmes : il s'est passé quelque chose pour eux, enfin surtout pour Lia.
La
sonnerie du collège a déjà retenti depuis plusieurs minutes. Il
n'y a eu aucun temps mort et les questions continuent encore. Les élèves
ne veulent pas partir. Ils continuent à s'interroger au-delà des
questions imprimées sur le papier. Le prof de SVT débarque au CDI,
interloqué. Comment va-t-il réussir à faire le cours à ses élèves
qui me quittent avec regret ? Comme moi, d'ailleurs. J'ai passé un bon moment avec eux.