Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Zou ! Le blog d'isabelle Collombat
28 avril 2009

Au collège Jean Vilar de Villeurbanne

Jeudi 23 avril, après-midi

plan_coll_ge_vilarJ'arrive en taxi de l'autre côté du périphérique.
La façade de l'établissement est un peu usée, mais le collège n'a pas mauvaise mine. Il semble seulement assoupi sous le soleil. Pas un bruit sous le préau. On me conduit au CDI. Les chaises sont installées en arc de cercle, il ne manque plus que les élèves. Ils ne vont pas tarder, précédés une rumeur.  "Ils sont chauds!" glisse quelqu'un. J'entends leur cavalcade dans les couloirs. Ils arrivent. J'aime tout de suite leur façon de passer devant moi et de me saluer. Certains me dévisagent, d'autres sont plus discrets. Il y a des "bonjour madame!" tonitruants, hésitants, nerveux, nonchalants, timides. Des élèves embarrassés par tout ce souffle qui les traverse et qui s'époumonnent. Ceux qui ne savent que chuchoter, l'air siffle entre leurs lèvres.

Ce sont des élèves de 4ème. Ils ont travaillé à fond le sujet, ils ont lu mon livre. Encore une fois, l'enseignante a bien préparé ses élèves, ça se sent tout de suite.
Ils démarrent aussitôt avec leurs questions. Ils en ont des tas, certaines ne sont pas écrites sur leur feuille. Nabil, en particulier, s'est passionné pour le sujet. Il a visiblement passé des heures sur Internet à se documenter sur le Rwanda et le génocide. De temps en temps, ses camarades lui jettent un coup d'oeil comme s'ils s'assuraient qu'ils n'ont pas dit de bêtises.

Nabil n'est pas le seul à s'être intéressé à la question. Je suis un peu étonnée de leur curiosité pour un événement qui s'est produit il y a quinze ans. Certains d'entre eux n'étaient même pas nés. Je leur demande pourquoi cet événement ne les laisse pas indifférents. Ils répliquent aussitôt que ça les concerne. Hicham m'interpelle :
Comment, madame ?
Un million de personnes sont mortes
et vous voudriez qu'on vous dise :
"Non, ça ne nous intéresse pas ?"

Hicham n'imagine pas à quelqu'un point sa réponse est un sacré bol d'air. Qu'est-ce que ça fait du bien d'entendre ça, de voir ça, leur prise de conscience, cette capacité d'indignation, de révolte !

Un autre garçon (les filles restent plus silencieuses) dit qu'il voudrait que ça ne recommence pas, que, maintenant qu'on sait, il faudrait tout de suite pouvoir lutter contre les génocides en préparation.

Je découvre ensuite que, sur les panneaux qui nous entourent, sont affichés des poèmes qu'ils ont écrits sur le sujet "génocide". Un devoir obligatoire réclamé par leur enseignante. Une jeune fille lit les textes les uns après les autres. Je suis épatée, émue aussi. Leur prof et la documentaliste du collège m'ont promis de m'envoyer leurs poèmes. J'espère pouvoir en mettre des extraits sur ce blog. Ils m'ont autorisée à le faire.

Puis un garçon me demande:
Comment malaxez-vous
les mots
pour faire passer
des images ?

Cet élève de 4ème l'ignore, mais il vient, sans le savoir, de me faire un très beau compliment.
En plus, il y a ce verbe "malaxer". Il résume assez bien ma façon d'aborder l'écriture. Mon rapport aux mots n'est pas du tout cérébral, mais viscéral, gourmand, physique.

Publicité
Publicité
Commentaires
K
Bravo pour ce petit texte. Ça me touche.
Répondre
Publicité