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Zou ! Le blog d'isabelle Collombat
5 avril 2009

Il y a quinze ans

Dans la cour de la maison,

début avril,DSCN4311

un arbre ouvre ses fleurs délicatement,

bien avant d'avoir un feuillage.

Début avril, dans mon jardin, c'est la saison du magnolia.

Il y a quinze ans, au Rwanda, début avril, a été

la saison des machettes,

pour reprendre le titre d'un livre de Jean Hatzfeld.

Il n'y a pas un début d'avril depuis quinze ans où je n'ai pas pensé à ce qui s'est passé là-bas, dans ce minuscule pays d'Afrique, si beau paraît-il.

Le 6 avril 1994, l'avion du président Habyarimana, un Falcone conduit par un pilote français, un cadeau de la France au président rwandais, a été abattu. Le président était dedans. Il ramenait un de ses collègues présidents, son voisin du Burundi.

Cet avion tombé à Kigali, la capitale, a été le signal.

Les extrémistes hutus, ont commencé par décimer les hutus modérés. Cela commence toujours comme ça. On tue d'abord ceux des nôtres qui ne pensent comme nous. Nous, ceux de l'espèce humaine.

Il y eut aussi des casques bleus belges, exécutés, quelque part, une caserne, dans des conditions atroces.

La violence s'est déchaînée ensuite, la population hutue invitée à se soumettre à ses pulsions les plus viles, à se fondre dans la bête collective, à se saoûler d'horreurs et de sang. Il fallait éliminer les cafards comme l'ordonnait la radio des Milles collines. Alors, on a mutilé avant d'exécuter. On a violé avant de laisser agoniser. On a tué aux heures de bureaux. Toutes les armes se valaient pourvu qu'elles parviennent au même résultat.

L'élimination.

Il y a des mots comme celui-là qu'on ne peut plus utiliser après, sans arrières-pensées, sans que ne vous vienne au fond de la gorge, le goût de la mort.

Les extrémistes sont tous les mêmes. Ils font croire aux populations qui veulent bien se laisser endormir que leur pays va mal à cause de "la vermine", un ennemi responsable de tous les maux.

Il y a quinze ans, "l'ennemi" était le tutsi.

En trois mois, un million de personnes, des bébés, des enfants, des femmes, des hommes, des vieux, des voisins, des amis, ont été tués. Une efficacité redoutable. Les spécialistes disent que ce génocide-là a été rondement mené, plus efficacement que celui des Nazis avec leurs chambres à gaz.

Le génocide rwandais n'est pas un phénomène spontané. Il est l'aboutissement d'événements, d'une histoire qui remonte à la colonisation allemande, puis belge.

Je me souviens que la communauté internationale n'a rien fait à l'époque.

On savait pourtant ce qui était en train de se passer.

Je me souviens de ce silence abyssal. Je n'étais pas encore sortie de l'école de Journalisme et c'est à ce moment-là que je me suis mise à avoir de sérieux doutes sur le métier.

Est-ce que cela avait un sens de rapporter des faits sans que le monde ne réagisse ?

Au cours du printemps 1994, des journalistes ont commencé à dire que la France avait sans doute apporté son appui aux génocidaires. Dans le journal l'Humanité, le Nouvel Observateur, notamment.

Depuis, des livres ont été publiés. Des enquêtes ont été menées, des témoignages reccueillis. Des procès se sont tenus.

Quel rôle a joué la France au Rwanda ?

Pour certains, oser poser cette question est un sacrilège, en soi déjà une diffamation, une preuve de trahison. On aurait été achetés par des puissances étrangères, on aurait été enfumés par les Américains.

On n'aimerait plus la France. Et pourquoi ne serait-ce pas la preuve du contraire ?

Il y aura toujours des négationistes, des partisans aveugles de telle ou telle thèse, prêts à saboter la réalité des faits pour avoir raison.

La politique étrangère de la France est une chose sacrée qui ne se discute pas. Secret défense.

Au Rwanda, nos responsables politques ont agi au nom de la France.

Quinze ans plus tard, quel est l'élu politique qui réclame la vérité sur le rôle de la France au Rwanda ?

Je n'en connais pas.

Un génocide est un crime imprescriptible. Dans dix ans, dans vingt ans, dans cinquante ans, il sera toujours temps de juger les coupables. Verra-t-on, un jour, des vieillards français comparaître devant un tribunal et reconnaître que la France savait ce qui se préparait, qu'elle a continué à armer les génocidaires, qu'elle leur a appris à utiliser les armes, qu'elle n'a rien fait pour enpêcher le génocide, qu'elle a même peut-être été complice du génocide ?

Il y a des faits. On ne peut pas tout gommer.

Des militaires français n'ont pas supporté d'être acclamés par les génocidaires.

Leur honneur ne l'a pas toléré.

Aujourd'hui, le génocide rwandais

fait partie de notre Histoire,

à nous les Français.

Il faudra le dire un jour, mesdames et messieurs les gouvernants.

Ma contribution à moi, citoyenne, c'est mon livre Bienvenue à Goma.

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