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Zou ! Le blog d'isabelle Collombat
5 mars 2010

L'amitié, ça commence comment ?

La semaine dernière, quand Nicolas Sarkozy a fait escale au Rwanda, j'ai pensé aux relations franco-allemandes. Je sais bien que ce n'est pas la même chose. Les histoires ne sont pas les mêmes. Elles n'ont même rien à voir. Bien sûr, je ne m'imaginais pas que notre président français allait prendre le président Paul Kagamé par la main et avancer avec lui comme François Mitterrand et Helmut Kohl, en 1984, lors de la 70ème commémoration de la bataille de Verdun.

Entre la France et le Rwanda, on n'en n'est pas encore là !

Il y a, certes, des gestes, des symboles comme le dit Gaétan Sebudandi dans le commentaire qu'il a fait à mon post précédent. L'interpellation de la veuve du président assassiné en 1994, Agathe Habyarimana, accueillie à Paris à bras grands ouverts il y a 16 ans et accusée par Kigali d'implication dans le génocide des Tutsis, est un de ces gestes.

Mais, à la grande différence du couple franco-allemand, l'histoire n'a pas encore été racontée entre les deux pays.

Ce ne sont pas les livres qui manquent : les témoignages, les enquêtes existent. Cependant, il faut une volonté de part et d'autre pour que les choses soient dites, même celles qui sont difficiles à digérer. Il faudra sans doute encore du temps avant que la France ose regarder la vérité en face. Il était sans doute "plus facile" pour les Américains, l'ONU et les Belges de présenter des excuses. L'implication de notre pays n'est pas comparable avec la responsabilité des autres pays. Nous avons été très loin dans le cynisme, dans le soutien aux extrémistes.

Il faudra aussi que le pouvoir rwandais actuel ait la volonté de dire ce qui s'est aussi passé au Rwanda, y compris dans les rangs du FPR, le Front patriotique rwandais.

Le dernier ouvrage en date sur le génocide est celui d'André Guichaoua, un expert de l'Afrique des Grands Lacs, qui vient de publier aux éditions de la Découverte un livre intitulé Rwanda de la guerre au génocide. Ce professeur à Paris a écrit ce gros livre d'abord pour les Rwandais. André Guichaoua était sur place au mois d'avril 1994, il y avait des amis, une vie. Il a accumulé énormément de documents. Beaucoup de ces documents lui ont été remis par des Rwandais.

C'est là sans doute que commence l'amitié entre les pays, quand des individus tentent de faire ce qui leur semble juste.

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Commentaires
G
Chose promise, chose due. J'avais promis de livrer mon avis sur l'ouvrage d'André Guichaoua: "Rwanda, de la guerre au génocide" publié aux Editions La Découverte.<br /> <br /> J'ai enfin eu l'occasion et le temps de le feuilleter. C'est un témoignage précieux, une analyse abondamment documentée pour qui veut comprendre toute la complexité de la crise au Rwanda. Surtout les mécanismes qui ont conduit à son point culminant, à savoir le génocide des Tutsi en 1994.<br /> <br /> La méthodologie et la rigueur de l'auteur, sociologue réputé et habitué, depuis des décennies, aux convulsions de la région des Grands Lacs, font de cet ouvrage un outil indispensable.<br /> <br /> Cependant, un bémol s'impose. André Guichaoua, dans ce livre, ne dit pas tout ce qu'il sait sur les développements de la crise rwandaise, entre 1990 et 1994. Tous les comptes rendus de son ouvrage sont d'accord sur ce point. Il a délibérément oublié d'évoquer le rôle déterminant de la coopération militaire francaise au Rwanda, durant la guerre civile. Il n'a pas davantage souligné le soutien financier et diplomatique de la France en faveur des ex-FAR et autres milices Interahamwe, après leur débandade, dans les camps de réfugiés de Goma et de Bukavu. On peut difficilement imaginer que ce sombre chapitre ait échappé à sa sagacité.<br /> <br /> Bref, André Guichaoua, dans cet ouvrage, semble avoir oublié le principal reproche qu'il formulait contre le rapport de la Mission parlementaire d'information sur le rôle de la France au Rwanda. Dans un article intitulé "Rwanda: de la France officielle à la France parallèle", Guichaoua semblait regretter que l'investigation des parlementaires francais ait porté uniquement sur les engagements et les actions de la France officielle. "Restent, écrit-il, les pratiques de la France parallèle. Par rapport auxquelles s'impose le travail de justice". J'ajouterais, pour ma part, un travail de vérité et de mémoire.<br /> <br /> Malheureusement, l'auteur de "Rwanda, d'une guerre au génocide" n'a pas eu le courage de surmonter l'écueil où s'étaient bisées naguère les velléités d'investigation des parlementaires francais.
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G
Votre souci permanent de contribuer à lever le voile sur le contentieux franco-rwandais me semble admirable. Il mérite de susciter une cohorte d'émules dans la société civile de ce pays. <br /> <br /> Malheureusement, la plupart des citoyens, en ce temps de crise, ont d'autres préoccupations que la recherche de la vérité sur les implications de la France au Rwanda, il y a 16 ans et plus.<br /> <br /> Reste la catégorie des chercheurs et des spécialistes des médias. Leurs contributions continuent d'alimenter périodiquement l'actualité.<br /> Elles ne sont pas, hélas, toujours de même valeur.<br /> Il est souvent indispensable de les accueillir avec le sens critique qui convient.<br /> <br /> Je n'ai pas encore pris connaissance du nouveau livre d'André Guichaoua: "Rwanda de la guerre au génocide". J'ose espérer que les documents et témoignages qu'il livre au public auront plus de consistance et de crédibilité que le contenu du livre d'Abdul Ruzibiza dont il s'était chargé d'assurer la promotion.
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